mercredi 19 novembre 2014

Le carnet du Marquis


“Ah le torero vedette d’aujourd’hui … ne m’en parlez pas. Mais comment peut-il dire qu’il n’a pas pu briller parce que le taureau ne l’avait pas servi? N’a-t-il pas honte? Un taureau qui sert? Mais c’est quoi ça? Quelle horreur. Bon sang, un taureau de combat n’est pas un serveur de bar avec une serviette sur le bras, un plateau à la main qui vous apporte une limonade! C’est un animal sauvage, avec son caractère propre, ses qualités, ses défauts et c’est au torero de le dominer, de se mettre à sa disposition, de la faire briller, de le mettre en valeur, pas l’inverse!”

C’était la première fois que je rencontrais José-Luís García de Samaniego y Queralt, plus connu comme le Marquis d’Albaserrada. C’était en septembre 1992, à l’Institut culturel français de Séville, après une conférence. Quel bonheur d’entendre cette vérité sortir de la bouche d’un ganadero! J’étais sur un nuage d’admiration et de respect.                                                                                                                                                                                                                                                                                             
Le mayoral aux côtés du Marquis pendant une tienta

Dix-sept ans plus tard, en mars 2009, je chemine à ses côtés à la Finca Mirandilla. Nous nous dirigeons vers les arènes pour une tienta.

Ces dernières années j’ai eu le privilège d’accompagner le Marquis pour ce test fondamental de sélection et en général pour le processus d’élevage dans son ensemble.

Ce fut une véritable transmission. Ce long apprentissage m’a réconforté dans une certaine philosophie d’élevage. Un éleveur ne doit pas vendre son âme, il doit poursuivre son idée jusqu’au bout, quelles qu’en soient les conséquences commerciales. Il doit rester un romantique dans cet univers de rationalisme à outrance. Intégrité du taureau, pas de fundas (protection des cornes), pas d’afeitado (manipulation frauduleuse des cornes), pas de miévrerie dans son comportement. Présentation, bravoure, caste et puissance!

Lors d'une ferrade, le mayoral protège son ganadero

Ce jour de mars 2009, tout va basculer pour moi. Un geste. Un simple geste. Un geste banal vu de l’extérieur, insignifiant pour le commun des mortels. Pourtant ce geste allait bouleverser  mon existence. Il sort de la poche de sa chemise son carnet de notes de tentadero et il me le tend. Aucune parole n’accompagne ce geste. José-Luís n’était pas un homme loquace. Il ne reprendra plus jamais ce carnet. Conscient que sa santé s’amenuisait, il venait de décider de passer la main. Le carnet du ganadero venait de se transformer en carnet du mayoral.

Le carnet du ganadero
Le carnet avec les
commentaires de José-Luís

C’était l’aboutissement d’un rêve, mais aussi le début d’une aventure …

Une évidence pour moi, l’obligation de ne jamais trahir la philosophie de ce grand ganadero qui vient de nous quitter.

José-Luís, Marquis d'Albaserrada, MERCI de m’avoir offert cet honneur. Et d'où que tu m'observes, tu peux être certain que je vais tout faire pour ne pas te décevoir.

Le mayoral encadré par José-Luís et Maruchi
Photo Paul Hermé

1 commentaire:

  1. Bernard HYACINTHE20 novembre 2014 à 00:24

    C'est toujours triste de voir partir quelqu'un et encore plus quand il s'agit d'un personnage mythique que je n'ai pu malheureusement saluer lorsque je suis passé à la Finca en mars dernier. Je forme des vœux pour que le neveu qui va reprendre le titre et la ganaderia conserve cette même passion que le défunt Marquis.
    Merci de bien vouloir présenter toutes mes condoléances à son épouse que je ne peux me permettre d'appeler par son prénom.
    Avec toutes mes amitiés et veoux pour Fabrice
    Bernard HYACINTHE

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